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PAROLES D'ARTISTES

"Un artiste, le confinement, une question."  

Albert Lobo, peintre parle du confinement.

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INTERVIEW - ALBERT LOBO

Covid or not Covid, that is the question.

 

Le confinement ne m'a pas tellement pris au dépourvu, un peu comme des vacances d'été, le calme dans le quartier compris ; apparemment, pas mal de monde avait pris la tangente. Du point de vue artistique ça tombait bien : j'avais un projet de tableau qui avançait lentement, manque de temps. Égoïstement, je me suis senti encouragé à y travailler. Et puis comme ça je n'avais pas le temps de m'ennuyer. Je me suis toujours dit que j'avais de la chance de peindre : ça donne le sentiment d'être un peu moins prisonnier que les autres… de pouvoir s'échapper ? Non, plutôt d'être en liberté surveillée. Le confinement n'a donc rien changé ; j'ai déjà un peu tendance à faire le choix de l'isolement. Et dans la création la solitude est souvent une nécessité, même si elle n'est pas toujours désirée. Passé l'étape de l'inquiétude par rapport à ses proches, de savoir s'ils allaient bien, je suis retourné à mes pinceaux. Mais en peinture, comme dans n'importe quel projet, il est bon d'avoir une deadline, avoir tout son temps ne permet pas toujours de prendre les bonnes décisions, permet trop d'hésitations, ce qui donne parfois l'impression de ne pas avancer. Mais après tout ça faisait passer le temps. Et puis, quel luxe d'avoir "le temps"!

Néanmoins, je reconnais que de ne pas pouvoir se déplacer à sa guise gêne un peu aux entournures. Parfois, avoir l'envie de faire autre chose que de sortir pour faire des courses ! Ne pas pouvoir voir ses amis, ses proches, est également un peu lancinant. Ne les "avoir" qu'au téléphone, donne le sentiment d'être exhérédé d'eux. On tient un peu parce qu'on sait qu'on pourra se revoir… bientôt. Paradoxalement pourtant, ne pas les appeler plus souvent. Malgré tout, voir les rues vident, ne voir personne à l'extérieur, avait quelque chose de reposant. Au risque de passer pour un misanthrope ; l'interaction sociale est quelque chose qui peut être contraignant et frustrant à la fois. De toute façon, quand on croisait quelqu'un, on se sentait obligé de choisir l'évitement… 

 

Après un certain temps, on se met à cogiter. Est-on malade ? On l'a déjà attrapé ou pas le virus ? Est-ton contagieux ? Ce peut-il que l'on soit déjà responsable de la mort de quelqu'un en l'ayant contaminé à son insu ? Homicide involontaire. C'est quand même dur de penser ça ! Et puis ça ne vous rappelle rien ? Etrange écho de l'époque de l'apparition du Sida. A la différence qu'on pensait que ça ne concernait… pas tout le monde. Là, on sait que tout le monde l'est… à part peut-être, dans une moindre mesure, les jeunes et les enfants, qui généralement s'en foutent, forts de leurs sentiment d'immortalité et de leurs insouciance. Jalousie et ressentiment mêlés. On se met même à envier les chats. Puis bientôt, on n'y pense plus, une certaine routine s'installe où on perd la notion du temps. Où le temps ne coule plus. On s'habitue. On se fait une raison. On se dit que ça ne devrait jamais s'arrêter, que ça devrait toujours être comme ça, suspendu.

 

Et à nouveau changer d'avis. trouver le temps long, s'impatienter, parce qu'on ne sait pas quand ça va s'arrêter. Souhaiter que tout redevienne comme avant. Avoir l'impression de vivre un jour sans fin. Alors revoir le film et y réapprendre qu'on a une leçon à en tirer, qu'il faudra changer quelque chose entre-temps. Car il y a bien quelque chose à changer si on ne veux pas que ça se répète ! Au minimum, retrouver le lien avec les choses qui comptes vraiment. Découvrir, aussi, que même dans l'isolement on en existe pas moins ; on est pas seul, mais avec soit ! 

 

Bref, c'était pas du temps perdu. C'était pas non plus "la fin du monde". C'était une pause. Mais pas comme celle des vacances ; c'était une pause qui a permis, enfin, de réfléchir.

Saura-t-on en tirer une leçon ? Saura-t-on en tirer les bonnes conclusions ? Faut-il perdre sa liberté, et ne pas prendre, soit-même, ses responsabilités ? L'avenir le dira. 

Et puis on aura sans doute droit à une nouvelle piqure de rappel.

« Paroles d’artistes », Albert Lobo, propos recueillis par Mariska Hammoudi.

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